L’acceptation pure et simple de la succession est le parti le plus souvent choisi par l’héritier.
Elle résulte le plus souvent de l’intention manifestée en ce sens par le successible plus rarement d’une sanction du comportement frauduleux du successible coupable de recel successoral. Ses effets sont Identiques dans les deux cas.
Sommaire
Conditions
L’acceptation intentionnelle de la succession peut être expresse ou tacite
Acceptation expresse
L’acceptation de la succession est expresse quand le successible prend le titre ou la qualité d’héritier dans un acte authentique ou sous seing privé.
Un écrit est donc nécessaire. Cette qualité peut être prise dans un acte d’option spécial ou dans tout acte juridique. Par exemple, elle est souvent relatée dans l’attestation immobilière après décès prévue par l’article 29 du décret du 4 janvier 1955.
En revanche, l’affirmation contenue dans l’acte de notoriété n’emporte pas, par elle-même, acceptation expresse de la succession.
La prise de qualité peut d’ailleurs donner matière à interprétation lorsque le successible se désigne comme héritier sans préciser qu’il est acceptant. Son intention est alors recherchée par les tribunaux dans le cadre de leur pouvoir souverain d’appréciation.
Remarque(s) : Pour éviter toute ambiguïté, il est opportun de stipuler une réserve précisant que l’intervention de l’héritier ne vaut pas acceptation.
Acceptation tacite
L’acceptation tacite peut être dangereuse pour l’héritier, notamment parce qu’elle est irrévocable et oblige l’héritier au passif successoral sur son patrimoine personnel, alors que la succession doit par ailleurs être gérée.
Elle constitue, dit-on parfois, un véritable « piège ».
Aussi, la loi du 23 juin 2006 tente de protéger le successible contre les risques d’une acceptation prématurée.
Acte d’acceptation tacite
L’acceptation de la succession est tacite lorsque le successible saisi fait un acte qui suppose nécessairement son intention d’accepter et qu’il n’aurait droit de faire qu’en qualité d’héritier acceptant
Quatre conditions doivent par conséquent être réunies :
- un acte doit avoir été effectué par le successible. Le successible doit être agissant pour hériter malgré lui. Son immobilisme le préserve de toute acceptation tacite,
- le successible doit être saisi de ses droits dans la succession. A contrario, un successible non saisi ne court donc aucun risque d’être considéré comme acceptant pur et simple, sauf à prendre qualité d’héritier dans un écrit ce qui est curieux. Par exemple, un légataire universel ne peut accepter tacitement la succession tant que son legs ne lui a pas été délivré par les héritiers réservataires ;
- l’acte suppose nécessairement l’intention d’accepter la succession. C’est un acte de maître de la succession ;
- le successible n’a le droit de faire cet acte qu’en qualité d’héritier acceptant et non à un autre titre. Cet acte non équivoque n’aurait pas pu être effectué par le successible à un autre titre que celui d’héritier.
L’acceptation à succession ne se présumant pas, le demandeur doit prouver l’acceptation tacite du successible. A défaut, le successible ne peut être considéré comme héritier.
Applications
Acte ayant pour objet un bien successoral
Les juges du fond sont en principe souverains pour apprécier si un acte d’administration ou de disposition emporte acceptation tacite de la succession. Mais, leur appréciation est restrictive lorsque l’acceptation tacite est opposée à un successible par un créancier de la succession.
En outre, la loi précise que les actes purement conservatoires, de surveillance et d’administration provisoire n’emportent pas acceptation tacite.
Actes de disposition
Disposer d’un bien successoral traduit certainement l’intention de se comporter en propriétaire de ce bien et en maître de la succession. Il n’est donc pas étonnant qu’un tel acte soit apriori susceptible d’emporter acceptation tacite de la succession, qu’il s’agisse d’un acte matériel ou d’un acte juridique de disposition.
Un acte matériel de disposition sur un bien de la succession est ainsi susceptible d’emporter acceptation tacite : destruction d’un immeuble successoral, construction sur un terrain de la succession, etc.
La vente volontaire d’un meuble ou d’un immeuble successoral, la donation d’un effet de la succession, la constitution d’une hypothèque ou d’une servitude conventionnelle sur un immeuble de la succession sont des actes juridiques de disposition qui valent acceptation tacite de la succession.
En revanche, n’emportent pas acceptation tacite :
- la vente forcée d’un bien successoral
- la vente qui constitue en réalité un acte conservatoire ;
- l’aliénation d’un bien dont le successible ignorait qu’il faisait partie de la succession.
Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation laisse également entendre que la vente du mobilier de la succession n’emporte pas nécessairement intention d’accepter la succession s’il a été décrit et prisé dans l’inventaire et si le prix a été remis au notaire chargé de régler la succession.
II a pu également être jugé qu’emportent acceptation tacite la conclusion d’une transaction avec l’Administration fiscale, la mainlevée d’une hypothèque, une prorogation du terme consentie à un débiteur de la succession ou encore le congé pour vendre donné par le bailleur à son locataire.
Actes d’administration et de jouissance
Il est difficile de savoir si un acte d’administration ou de jouissance emporte ou non-acceptation tacite de la succession. L’acte d’administration ou de jouissance est souvent équivoque : il peut traduire l’Intention de l’héritier d’accepter la succession aussi bien que le soin du bon père de la famille habile à la gérer.
Voici quelques illustrations d’actes d’administration ou de jouissance susceptibles d’emporter acceptation tacite.
Elle peut résulter de la détention matérielle des biens successoraux. Encore faut-il que la possession ne résulte pas d’un autre titre (successible copropriétaire, par exemple).
Donner à bail un lien de la succession vaut apriori acceptation tacite, de même que le renouvellement d’un bail, sauf exceptions.
L’encaissement d’une créance héréditaire emporte à non acceptation tacite (par exemple, l’encaissement du solde créditeur du compte en banque dont le défunt était titulaire).
La perception des fruits et des revenus d’un bien successoral vaut également acceptation tacite, sauf exception.
Le paiement d’un créancier successoral avec les deniers de la succession emporte en principe acceptation de la succession, en dépit de nombreuses exceptions.
L’action en justice pour le compte de la succession emporte acceptation tacite SI elle est exercée en demande, mais non si elle est exercée en défense. Lorsqu’elle est exercée en défense, par exemple, sur les poursuites d’un créancier successoral, il s’agit en réalité d’un acte conservatoire, y compris en cas d’appel en garantie, mais sauf demande reconventionnelle.
Un soin tout particulier devra donc être apporté à la rédaction des conclusions en défense, dans lesquelles l’option pourrait être utilement réservée.
Actes purement conservatoires, de surveillance et d’administration provisoire
« Les actes purement conservatoires ou de surveillance et les actes d’administration provisoire peuvent être accomplis sans emporter acceptation de la succession, si le successible n’y a pas pris le titre ou la qualité d’héritier » (C.civ.art. 784, al. 1er).
Les actes conservatoires, de surveillance et d’administration provisoire n’emportent pas en principe acceptation tacite, à moins que le successible ait pris à cette occasion la qualité d’héritier.
La loi du 23 juin 2006 a souhaité dresser une liste des actes réputés purement conservatoires ou d’administration provisoire (sans que la preuve contraire de l’intention d’accepter puisse être rapportée, semble-t-il de façon à couper court aux difficultés de qualification, mais sauf à observer que ces listes ne sont pas limitatives.
Actes conservatoires. L’article 784, alinéa 2 du Code Civil, consacre un certain nombre de solutions jurisprudentielles lorsqu’il énonce que sont réputés purement conservatoires.
- le paiement des frais funéraires et de dernière maladie, des impôts dus par le défunt, des loyers et autres dettes successorales dont le règlement est urgent (droits de mutation par décès par exemple) ;
- le recouvrement des fruits ct revenus des biens successoraux ou la vente des biens périssables, à charge de justifier que les fonds ont été employés à éteindre les dettes visées ci-dessus ou ont été déposées chez un notaire ou consignées;
- l’acte destiné à éviter l’aggravation du passif successoral (par exemple, le déménagement du local loué par le défunt ou le paiement anticipé du capital de la dette pour arrêter le cours des intérêts).
Cette liste est exemplative et on peut lui ajouter d’autres actes purement conservatoires, c’est-à-dire qui ont pour objet de soustraire un bien ou un droit à un péril imminent en n’entraînant qu’une dépense relative :
- la réquisition d’un inventaire,
- l’apposition des scellés,
- la réparation urgente d’un bien,
- la défense à une action en justice exercée contre la succession,
- l’inscription d’une hypothèque judiciaire,
- la mise en demeure destinée à interrompre la prescription extinctive, etc.
Actes d’administration provisoire. La loi du 23 juin 2006 se préoccupe, en la matière comme en d’autres, du décès du chef d’entreprise.
Aux termes de l’article 784, alinéas 3 à 5 du Code civil, sont ainsi réputés être des actes d’administration provisoire n’emportant aucune acceptation tacite les opérations courantes nécessaires à la continuation à court terme de l’activité de l’entreprise dépendant de la succession (paiement des salariés, renouvellement des stocks.
En dehors du contexte du décès d’un chef d’entreprise, d’autres actes d’administration provisoire n’emportent pas acceptation tacite. Par exemple, le dépôt chez un garde-meubles du mobilier du défunt à la suite de l’extinction de son bail ou la signature de l’état des lieux ct la remise des clés au bailleur.
Actes de surveillance. Aucune liste d’actes de surveillance n’est fournie par la loi du 23 juin 2006.
L’acte de surveillance n’est en général pas distingué de l’acte d’administration provisoire. Il a pour objet de veiller sur la succession dans l’intérêt de celle-ci.
C’est un acte de vérification ou un pouvoir de contrôle (par exemple, la surveillance du bon état d’un immeuble, celle de l’écoulement d’une prescription ou de la péremption d’une inscription hypothécaire).
Renouvellement de certains baux
Pour faciliter la survie de l’entreprise au décès de l’entrepreneur, l’est désormais expressément prévu que le renouvellement, en tant que bailleur ou preneur, des baux qui, à défaut, donneraient lieu au paiement d’une indemnité (bail commercial) et la mise en œuvre de décisions d’administration ou de disposition engagées par le défunt et nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise (investissement décidé par le défunt, vente d’un élément du fonds décidée par lui, restructuration qu’il aurait engagée, etc.) sont également réputés pouvoir être accomplis sans emporter acceptation tacite, alors qu’ils ne constituent à proprement parler ni des actes conservatoires, ni des actes de surveillance ni des actes d’administration provisoire.
Actes autorisés judiciairement
Tout autre acte que requiert l’intérêt de la succession et que le successible veut accomplir sans prétendre au titre ou à la qualité d’héritier doit être autorisé par le président du tribunal de grande instance qui statue sur requête.
Remarque(s) : La prudence commande donc de requérir une telle autorisation si le successible qui envisage de gérer les biens de la succession craint que son action ne puisse être qualifiée ni d’acte purement conservatoire, ni d’acte de surveillance, ni d’acte d’administration provisoire.
Acte ayant pour objet un droit successoral
« Toute cession, à titre gratuit ou onéreux, faite par un héritier de tout ou partie de ses droits dans la succession emporte acceptation pure et simple » (C. civ.art. 783, al. 1er).
Outre les cessions de droits successifs ostensibles, celle qui résulterait d’une renonciation à succession vaut également acceptation tacite, si elle est consentie à certains représentants du renonçant, cohéritiers ou héritiers de rang subséquent (renonciation in favorem), ou moyennant une contrepartie (renonciation à titre onéreux). Ces prétendues renonciations sont en réalité translatives et non abdicatives.
Par extension, on peut rapprocher de la cession de droits successoraux, tout acte par lequel le successible réclame sa part successorale ou de pouvoir appréhender les biens de la succession, tel qu’agir en pétition d’hérédité, participer à un partage successoral ou provoquer le partage judiciaire, demander un envoi en possession ou une délivrance de legs.
En revanche, demander à ce qu’une notoriété, un certificat d’hérédité, une attestation immobilière après décès ou une déclaration de succession soient rédigés n’emporte pas en tant que tel acceptation tacite de la succession.
À lire aussi : Comment refuser une succession ?
Madame, Monsieur,
Vous expliquez que « Le paiement d’un créancier successoral avec les deniers de la succession emporte en principe acceptation de la succession, en dépit de nombreuses exceptions ».
Cependant, je ne trouve le fondement juridique de cette règle, légal ou jurisprudentiel, nulle part.
Auriez-vous, je vous prie, l’amabilité de me renseigner à ce sujet?
En vous remerciant.
Bien cordialement,
P.L.