Lorsque les époux se trouvent dans un contexte international, il peut y avoir changement de la loi applicable à leur régime matrimonial. Lorsque ce changement est automatique, de graves difficultés peuvent en résulter.
Selon le principe de la permanence du rattachement, la loi déterminant le régime matrimonial est fixée une fois pour toutes au jour du mariage et un changement de domicile ou de nationalité des époux n’a pas d’incidence sur le régime. Cependant, cette permanence peut s’opposer à l’adaptation du régime matrimonial à des circonstances nouvelles et maintenir ainsi les époux sous la loi d’un État avec lequel ils ont perdu tout lien depuis longtemps.
Sommaire
La convention de La Haye
Pour résoudre cette question, la convention de La Haye, applicable en France depuis le 1er septembre 1992, tout en maintenant le principe de la permanence du rattachement, l’a atténué en admettant d’une part, une mutabilité volontaire du rattachement et d’autre part, une mutabilité automatique lorsque certains éléments de rattachement se trouvent modifiés, en particulier en cas de déplacement de la résidence habituelle des époux. Le notaire a un rôle déterminant à jouer pour conseiller les époux face à cette mutabilité de la loi applicable, introduite dans la convention de La Haye.
Le changement volontaire
L’article 6 de la convention prévoit que les époux peuvent, au cours du mariage, soumettre leur régime matrimonial à une loi interne autre que celle jusqu’alors applicable. Ce changement est possible à tout moment, que le rattachement soit objectif ou subjectif. Cette faculté intéresse aussi bien les époux mariés sans contrat que ceux ayant établi un contrat de mariage ou désigné une loi applicable. Cette mutabilité volontaire concerne même les époux mariés avant le 1er septembre 1992 (art. 21). Parmi les lois susceptibles d’être choisies, les époux peuvent désigner la loi d’un État dont l’un d’eux a la nationalité ou celle de l’État sur le territoire duquel l’un des époux a sa résidence habituelle au moment de cette désignation ou encore, pour tout ou partie des immeubles, la loi de leur situation.
Les modalités d’application
Le changement de loi applicable au régime matrimonial s’effectue par stipulation expresse dans un écrit passé dans les formes d’un contrat de mariage, sans délai et sans homologation judiciaire. Ce changement de loi applicable, qui aboutit souvent à un changement de régime, s’effectue de façon simplifiée et peu coûteuse en comparaison à un changement de régime matrimonial, au moins lorsque celui-ci est soumis à un contrôle judiciaire.
Le choix du régime matrimonial
Les époux peuvent choisir un régime matrimonial parmi ceux proposés par la loi désignée au cours du mariage. Ils peuvent également opter directement, sans contrôle judiciaire, pour tout régime légal ou conventionnel prévu par cette loi. Des époux placés sous la loi anglaise et le régime légal anglais de la séparation de biens peuvent, au titre de l’article 6, choisir la loi française si l’un des époux est français ou a sa résidence en France et opter directement pour le régime de la communauté universelle avec une clause d’attribution de la communauté au survivant.
Les effets de la mutabilité volontaire
Selon la convention, la loi choisie au cours du mariage s’applique à l’ensemble des biens des époux, y compris ceux acquis avant le changement de loi. La loi nouvelle s’applique donc rétroactivement au jour du mariage, sous réserve des droits des tiers.
Mais les époux ont la possibilité de liquider leur régime matrimonial et de s’opposer ainsi à la rétroactivité : la loi nouvelle ne s’applique alors qu’aux biens qu’ils posséderont après cette déclaration.
La publicité
Des formalités de publicité du changement de loi applicable sont prévues. L’article 1303-1 du Nouveau Code de procédure civile prévoit que lorsque l’acte de mariage est conservé par une autorité française, celle-ci mentionne en marge de cet acte, à la demande des époux ou de l’un d’eux, l’acte portant désignation de la loi applicable au régime matrimonial.
En l’absence d’acte de mariage conservé par une autorité française, et si l’acte portant désignation de la loi applicable au régime matrimonial a été établi en France en la forme authentique, ou si l’un des époux est français, ledit acte ou le certificat délivré par la personne compétente pour l’établir est, à la demande des époux ou de l’un d’eux, inscrit aux fins de conservation au répertoire civil annexe tenu par le service central d’état civil au ministère des Affaires étrangères.
Le changement automatique
La mutabilité automatique figurant dans l’article 7 de la convention, véritable « bombe à retardement », est dangereuse et suscite de nombreuses critiques, mais elle ne concerne pas les époux mariés avant le 1er septembre 1992. Elle ne s’applique pas non plus aux époux ayant désigné la loi applicable à leur régime matrimonial ou ayant établi un contrat de mariage. Ce rattachement initial ne peut être modifié que par leur volonté.
En revanche, dans certains cas, l’article 7 de la convention prévoit une mutabilité automatique de la loi du régime. La loi de la résidence habituelle se substitue à celle qui était précédemment applicable. La mise en œuvre de ces dispositions pourra surprendre des époux qui se trouveront soumis à plusieurs régimes matrimoniaux successifs. Trois cas de changement automatique sont prévus.
La convergence de la résidence et de la nationalité
Dans le premier cas, deux Français, mariés le 1er octobre 1998, ont établi leur première résidence habituelle à Londres et sont soumis à la loi anglaise et au régime légal anglais de la séparation de biens. Ils seront automatiquement soumis à la loi française et au régime légal français de communauté d’acquêts dès qu’ils rentreront en France, mais sans effet rétroactif. Deux régimes se succéderont dans le temps.
Dix ans de résidence
Dans un second cas, la loi interne de l’État où les époux ont tous deux leur résidence habituelle devient applicable lorsque, après le mariage, cette résidence habituelle a duré plus de dix ans. Un Français et une Allemande se sont mariés le 5 décembre 1993 à Paris et ont vécu en France jusqu’en 1997.
Ils étaient donc placés sous le régime légal français de communauté d’acquêts. Ils sont établis en Angleterre depuis 1997. À partir de 2008, donc après le délai de dix ans, ils seront placés sous le régime anglais de la séparation de biens mais sans effet rétroactif.
La résidence commune
Dans un troisième cas, la loi de l’État de la résidence habituelle des époux devient applicable lorsque ceux-ci fixent leur résidence habituelle dans le même État, alors que, auparavant, ils étaient soumis à leur loi nationale commune uniquement parce qu’ils n’avaient pas de résidence habituelle dans le même Etat au moment du mariage.
Des époux marocains se sont mariés le 3 novembre 2004. Le mari vient travailler en France, la femme reste au Maroc. À défaut de première résidence habituelle, ils sont soumis à la loi marocaine et au régime légal marocain de la séparation de biens. Si, par la suite, la femme rejoint son mari en France, les époux seront alors placés sous la loi française et sous le régime légal français de communauté d’acquêts, mais sans effet rétroactif. Toutefois, on pourra replacer ces époux, par le jeu de l’article 6, sous la loi marocaine et sous le régime marocain de séparation de biens.
Eviter le changement automatique
Ces différentes situations aboutissent à une succession de régimes matrimoniaux avec les difficultés de preuve d’origine et d’estimation des biens. Pour éviter cela, le notaire appréciera la situation des époux qui peuvent s’opposer à la mutabilité automatique à la condition d’anticiper ces situations et de se trouver encore en présence d’élément d’extranéité.
Le contrat de mariage ou choix explicite
Cependant, les époux peuvent s’opposer expressément à cette mutabilité automatique en passant un contrat de mariage, si la loi interne permet un changement de régime matrimonial. Ils peuvent aussi confirmer la loi applicable par un choix explicite qui exclura la mutabilité automatique. Cette déclaration se fera dans la forme d’un contrat de mariage, comme pour la désignation de la loi applicable. Dans ces situations internationales les notaires ont pris l’habitude de proposer aux époux mariés après le 1er septembre 1992 la confirmation de la loi applicable à leur régime matrimonial par un choix explicite qui exclut la mutabilité automatique.
Un exemple
Un couple franco-anglais, marié le 5 novembre 1993, a établi sa première résidence en France après le mariage. Les époux sont donc mariés sous le régime légal de la communauté d’acquêts. Ils s’installent plus tard à Toronto. Un changement ultérieur de la loi applicable peut résulter de l’acquisition de la nationalité canadienne ou de l’expiration du délai de dix ans de l’article 7 (al. 2-2).
Ils peuvent éviter ce changement en confirmant, par une déclaration expresse, l’application de la loi française.
Le rôle déterminant du notaire
Le notaire a un rôle déterminant à jouer tout d’abord en conseillant systématiquement aux époux d’établir un contrat de mariage avant leur union. À défaut de contrat, le notaire appréciera, à l’occasion d’une modification du patrimoine ou d’une préparation de succession, s’il est nécessaire de procéder, selon l’article 6 de la convention de La Haye, à une confirmation ou à un changement de la loi applicable et du régime matrimonial.
Ce rôle est essentiel également vis-à-vis de leurs clients mariés avant le 1er septembre 1992 et soumis aux anciennes règles de conflit françaises. Il vérifiera si la détermination du régime matrimonial soulève un problème particulier et recherchera s’il ne serait pas judicieux d’utiliser les facultés de mutabilité volontaire ou de désignation de la loi applicable prévues par la convention de La Haye. L’exacte détermination du régime matrimonial permettra de gérer dans les meilleures conditions le patrimoine des époux et de préparer leur succession.
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